Vos données sur les réseaux sociaux pourraient bientôt servir à établir votre fiabilité à la location, au crédit ou encore à l’emploi. Pour cause, la start-up britannique Score Assured propose aux propriétaires de biens immobiliers d’en savoir un peu (beaucoup) plus sur vous.
Vos données servent déjà à jauger votre degré de fiabilité. Grand nombre d’employeurs, de prospects et de curieux parcourent Google, Facebook et consorts pour en savoir plus sur ce que l’Internet dit de vous. Jusqu’ici, la démarche est souvent manuelle et plutôt désorganisée pour une majorité d’utilisateurs. Mais cela pourrait bientôt changer. Avec l’émergence du tout connecté, la production gargantuesque de données et son corollaire prévisible, l’éclatement de silos de données au profit d’un croisement d’informations, les mots « profilage » et « prédictif » prennent tout leur sens. Il ne manquait plus que les outils. Cas pratique et réflexion.Profilage au service d’une économie de la confiance
La start-up Score Assured a récemment fait polémique en Grande-Bretagne avec le développement d’un logiciel qui permet de définir la fiabilité d’une personne à la location en siphonnant toutes ses données sur les réseaux sociaux.En pratique, la start-up propose aux propriétaires, désireux de mettre un bien en location, de récupérer sur les réseaux sociaux toutes les informations existantes à propos d’un locataire potentiel afin d’estimer s’il sera capable ou non de payer son loyer tous les mois. Le candidat est amené à télécharger un mouchard pour collecter tout le contenu publié —par lui-même, rappelons-le— sur Facebook, Twitter, LinkedIn et Instagram.
Sur base de toutes ces informations, le logiciel va générer une note de risque qui estime le degré de chances qu’aura le propriétaire de voir le locataire payer son loyer à la fin du mois.
L’analyse de ces données en gros par le biais du logiciel permet de dégager une série d’informations et de conclusions telles que, en autres, fumeur ou non fumeur, avec ou sans animaux, plutôt fêtard ou casanier. Bref, du profilage pour injecter rapidement de la confiance au lien faible qui caractérise la relation de départ entre le propriétaire et son candidat. Cette confiance basée sur l’association des comportements numériques de l’internaute et de son capital e-réputationnel coïncide avec le concept de trust economy développé par Rachel Botsman : une économie basée sur la tonalité des empreintes digitales laissées par l’utilisateur et ceux qui en parlent.
Moralité et liberté
L’aspect moral d’une telle pratique est plus que discutable, bien qu’un locataire potentiel reste en substance libre d’accepter ou non de répondre aux exigences d’un propriétaire désireux de faire usage d’un tel outil. Ceux qui acceptent augmentent néanmoins leurs chances d’être retenu au détriment de ceux qui refusent, ce qui conduit à terme presque inévitablement à un usage de tels outils par la force des choses.De telles pratiques seront-elles amenées à se généraliser ? Quels en seraient les bénéfices et nuisances potentiels ? Telles sont les questions qui se posent.
Réflexion : entre prudence et autocensure
Vos textes, photos, vidéos, clics, mouvements de souris, temps de consommation de contenus, recherches, relations ; tout est enregistré, analysé et exploité. Le micro de votre téléphone aussi. Il n‘enregistre pas, il écoute. Et si ça n’est avoué qu’à demi-mot par Facebook, qui a été sous le feu des critiques au printemps, le processus est « remarquablement simple » à mettre en place. Les gens se savent désormais surveillés, mais la négligence reste généralisée.De fait, utiliser les Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA) — peut-on, pourra-t-on encore faire sans eux ? —, c’est accepter un contrat social implicite : bénéficier d’un accès gratuit à la plate-forme avec en échange, le droit donné à ces mastodontes du Web, monopoles de la Silicon Valley, de collecter toutes les données qui vous concernent en se réservant le droit de vous manipuler pour vous inciter à utiliser toujours plus leurs services.
L’émergence d’une gouvernance algorithmique que la production massive de données, dont nous sommes les premiers producteurs — le confort technologique semblant primer toujours sur les questions de vie privée —, conduit inévitablement à la surveillance de masse, commerciale et gouvernementale, et à une forme progressivement accentuée d’autocensure des internautes conscients des enjeux qui en découlent. L’usage passif grandissant de Facebook observé ces deux dernières années y est très certainement pour quelque chose.
Exemple du phénomène : si se documenter sur le djihad n’est pas un acte terroriste en tant que tel, les pages américaines de Wikipédia liées au terrorisme ont néanmoins connu une perte importante de trafic suite aux révélations d’Edward Snowden en 2013.
Il est au demeurant important de promouvoir un usage raisonné et raisonnable de l’Internet. Cela peut toutefois conduire à terme à instaurer une prison dans l’esprit des gens, s’interdisant de faire un certain nombre de choses légales en ligne par crainte rationnelle ou irrationnelle de l’omnisurveillance 2.0.
La menace d’un scénario orwellien qu’un tel constat évoque n’en fait pas une fatalité, mais exige une prise de conscience collective pour traiter efficacement l’un des grands enjeux du numérique qu’est la régulation de la propriété et de l’usage des données personnelles. Un logiciel comme Score Assured n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreuses ramifications du phénomène « big data ». Le GDELT Project en est un autre.
Si l’Internet est et reste un outil fantastique et potentiellement émancipateur pour la société, il représente aussi un risque d’atteinte grave aux libertés individuelles, qui doit avoir sa place dans le débat public.
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