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Tourisme à Bruxelles et Paris : Internet, problème et solution ?

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Le mois de juillet laisse sa place au mois d’août, c’est déjà l’heure des premiers bilans touristiques. Et les résultats ne sont pas bons pour Bruxelles. Ce qui donne raison aux professionnels du tourisme qui craignaient une chute de fréquentation à cause du climat anxiogène des attentats. Les touristes susceptibles de visiter Bruxelles ou Paris vivent à des milliers de kilomètres et choisissent leurs destinations grâce au bouche-à-oreille et à travers ce qu’on en dit sur le Web. Ce qui aujourd’hui correspond à la même chose. 

Paris et Bruxelles ont mis en place des actions de communication pour séduire les touristes. Avec un esprit différent et une efficacité… mitigée.

IMG_20160802_182022wordpressDans un large dossier « tourisme et attentats » consacré à Paris et Bruxelles, la Libre Belgique nous a demandé quelle était la réputation sur Internet de ces deux villes et quelles actions elles avaient menées pour séduire, voire ramener les touristes.
Lire l’article de la Libre Belgique [abonnés]

Trois questions c’est bien, un billet de blog c’est mieux. Car il y a beaucoup à dire sur ces questions.

13 novembre 2016 : Paris et Bruxelles, même combat

Un premier constat et un point commun : ce sont les attentats du 13 novembre qui ont fait chuter le tourisme à Paris mais aussi à Bruxelles. Les attentats du Bataclan et des terrasses parisiennes ont eu une visibilité internationale à la hauteur du drame local vécu. Dans les jours qui ont suivi, la collaboration et les interventions policières ont gommé toute frontière entre la France et la Belgique.
Le dessin de Dubus dans la Libre Belgique le 17 novembre 2015

Le dessin de Dubus dans la Libre Belgique le 17 novembre 2015


A Bruxelles où aucune tuerie de masse n’avait encore eu lieu, c’est le “brussels lockdown” qui a porté un coup d’arrêt à l’attrait touristique de la capitale belge.

#Brusselslockdown : un clou dans le cercueil du tourisme bruxellois

Une semaine après les attentats de Paris, en Belgique, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) décide de placer Bruxelles en niveau 4. Le niveau maximal. Un niveau jamais atteint. Les réponses opérationnelles et communicationnelles vont refléter, dans l’opinion publique, l’absence de plan d’anticipation. La menace est palpable, les policiers et les militaires investissent les rues, le métro et les écoles sont fermées, la vie économique s’arrête. La ville est fermée : Brussels is lockdown.

Sur Twitter, dans un réflexe citoyen, les utilisateurs cannibalisent le hashtag #Brusselslockdown pour couvrir les opérations policières en cours en inondant Twitter de chatons.
Même les médias belges s’auto-censurent.

brusselslockdown-chatons-operations-anti-terroristes

Cette opération “LOLcats” a été très commentée, partout dans le monde, pour saluer la solidarité avec l’action policière… et le surréalisme belge. Mais ce n’était qu’une anecdote qui n’a eu que quelques heures de durée de vie.

Du 21 au 25 novembre 2015, ce sont des images d’une ville assiégée que les médias internationaux relaient. En 10 jours, 460 articles anglophones et des milliers d’échanges sur les réseaux sociaux vont créer une trace numérique indélébile.

Bruxelles assiégée s’installe pour longtemps dans Google Image

Ce que les touristes potentiels du monde entier ont retenu, ce sont des images fortes : une ville en état de siège, des militaires qui patrouillent, la vie qui s’arrête et la peur qui s’installe. “Ce char sur la Grand-Place, ces personnes qui faisaient des interviews avec des gilets pare-balles, peut-être que là on a failli un peu en termes de communication.” regrette Philippe Close, l’échevin PS du Tourisme de Bruxelles

#callbrussels : 1er sursaut de réputation

Passé l’effroi, la vie reprend. Et les acteurs économiques tirent le signal d’alarme. La chaîne publique flamande VRT parle déjà d’une perte de 51,7M€ par jour de lockdown. L’information est immédiatement reprise et diffusée par des médias anglophones.

Avec 500.000 euros de budget, la région bruxelloise (avec le soutien des régions flamande et wallonne) met sur pied l’opération  #CallBrussels. Entre le 7 et le 11 janvier 2016, 12 688 personnes originaires de 154 pays appellent l’une des trois cabines téléphoniques installées à Bruxelles pour l’occasion. Un passant répond et se prend au jeu de “vendre” sa ville par téléphone à un inconnu, de manière désintéressée.
Du marketing d’influence en forme de coup de poker.


callbrussels
Contre toute attente (la mienne en particulier), cette opération a été un succès. En tout cas, c’est comme cela qu’elle a été relayée par la presse. Mais la campagne a également donné lieu à des détournements pour faire passer des messages anti-islam. C’est le danger lorsqu’on « oublie » d’ouvrir un compte Twitter alors que le nom de l’opération est justement un hashtag…

Certainement un succès en terme quantitatif mais ensuite ? Ce type d’action permet d’attirer les projecteurs positivement sur Bruxelles et ses attraits touristiques mais il faut ensuite capitaliser sur la durée. Une réputation se (re)construit en y travaillant 365 jours par an.

D’ailleurs, juste après cette opération, Donald Trump en remet une couche : Brussels It’s like living in a Hell Hole!”. Les termes sont excessifs et blessants mais résument assez bien l’image de Bruxelles vue depuis de nombreux médias anglophones en janvier 2016.

22 mars : l’espoir d’un retour rapide des touristes est enterrée

L’attentat à l’aéroport de Zaventem puis dans le métro de Maelbeek ont touché des milliers de personnes. A travers un proche, victime de près ou de loin. Le traumatisme est immense dans le pays. La région est extrêmement cosmopolite, siège des institutions européennes et de nombreux quartiers généraux de multinationales. Les témoignages d’expatriés sont amplifiés par les envoyés spéciaux venus du monde entiers.
Le prisme déformant de certains médias fait son effet : Bruxelles est une zone de guerre et est comparée à des villes sous tension au Proche-Orient.

b-velgeBaudouin Velge, spécialiste de la communication de crise chez Interel à Bruxelles, explique que des clients chinois lui demandent chaque jour un état de la situation et un plan d’évacuation de ses ressortissants.
A revoir en vidéo (à 8’45”) sur le site de la RTBF.

Des actions citoyennes via les réseaux sociaux ?

De nouvelle actions, citoyennes ou orchestrée en coulisses par des acteurs économiques, redonnent un peu d’élan à un changement d’image : Sprout to Be Brussels et See you in Brussels.

Ces idées sont très intéressantes car elles font le pari que ce sont les Bruxellois eux-mêmes qui vont être ambassadeurs de leur ville en partageant leur fierté.

A monumental moment. What do you think about the Sproutomium? #sprouttobebrussels #atomium

Une photo publiée par Sprout To Be Brussels (@sprouttobebrussels) le

Les internautes jouent le jeu sur Instagram et Facebook. Un peu moins sur Twitter où ce sont les acteurs économiques et culturels (à l’origine de  l’initiative) qui continuent à utiliser le hashtag #sprouttobebrussels. Il n’y a d’ailleurs aucun tweet sur le compte officiel. Pourquoi pas simplement des retweets comme sur #ParisWeLoveYou qui a inspiré cette opération ?

Sur Facebook, le compte est alimenté plusieurs fois par semaine, et en 3 langues, il faut le saluer ! Au final, la couverture médiatique est bonne mais les actions s’essoufflent une fois la curiosité passée.

1,5 million d’euros pour (re)dorer la réputation de Bruxelles

En juin 2016, les prévisions touristiques sont alarmantes. L’organisme public VisitBrussels débloque 1,5 million d’euros pour déployer toutes les facettes online et offline d’une campagne d’influence. Patrick Bontinck, son directeur, l’explique à la Dernière Heure : « L’objectif étant que les pertes se limitent à 15 % par rapport à l’année dernière, où la croissance était encore de 7 à 8 % [par rapport à 2014].”
  • Il s’agit de mettre en avant Bruxelles sur des sites d’agences de voyages et de réservation en ligne comme Expedia ou TripAdvisor,
  • des médias étrangers “partenaires” proposent des cahiers spéciaux pour mettre Bruxelles en valeur,
  • des expatriés deviennent ambassadeurs du tourisme belge à travers leurs réseaux sociaux privés,
  • dans la même veine, VisitBrussels invite à ses frais 22 blogueurs européens influents qui “cumulent un total de deux millions de followers”, « mais nous n’interférons en rien sur ce qu’ils ont écrit ou photographié de leur week-end bruxellois » , explique M. Trauwaen, le directeur marketing de Visitbrussels.
Ces actions sont positives car elles sont « cross-canal » et s’inscrivent dans la durée. Mais ces partenariats sont des campagnes médias qui ne disent pas leur nom. A ce jeu-là, un budget d’1,5 million d’euro est vite consommé. Paris annonce n’avoir consacré « que » 1 million d’euros pour ce type d’opération d’influence.

Le Belgium bashing exogène… et endogène

nordeclairLe « Brussels bashing » depuis l’étranger, ça donne ça : Bruxelles, base arrière des terroristes alimentée par le clientélisme, la mauvaise gouvernance et la dilution du pouvoir fédéral, incapacité des policiers à retrouver les terroristes en fuite et à échanger des renseignements, etc.
Il y sans doute un peu de vrai dans tout cela mais il s’agit surtout d’un exutoire lorsque l’opinion publique et le medias veulent répondre à la traditionnelle question : « à qui la faute ? ».

Il y a eu aussi du « Belgium bashing » depuis la Belgique, de l’auto dénigrement qui a freiné le tourisme d’un jour, celui des Belges eux-mêmes :
  • Les tunnels s’effondrent et leur fermeture impromptue paralyse la ville,
  • le piétonnier au cœur de la ville est plus commenté par ses détracteurs que par ses partisans,
  • la politique politicienne s’en mêle et alimente les rancœurs
  • les grèves à l’aéroport de Zaventem juste après la réouverture post-attentat décourage les derniers motivés.

  • Bruxelles n’a pas un socle solide de réputation touristique. Le retour de boomerang a été beaucoup plus brutal que pour Paris.

    Et Paris dans tout cela ?

    Pour Paris, l’enjeu est très important : Avec 16 millions de visiteurs étrangers en 2015, le tourisme parisien représente 13% du PIB français et 18,5% de l’emploi parisien. Mais depuis les attentats, la fréquentation touristique a fortement reculé et les prévisions sont inquiétantes. Au moins de mai, la Présidente des hôteliers en Ile-de-france s’alarmait : « les réservations pour l’été sont à ce jour en chute de 20% à 50% par rapport à la même période de 2015 ».

    Pourtant, à l’inverse de Bruxelles, Paris peut justement capitaliser sur une réputation touristique longuement construite. Il n’y a pas eu de “Paris Bashing” et la capitale française n’a rien perdu de son attrait touristique. Elle bénéficie par ailleurs d’événements d’ampleur internationale pendant l’été : Roland Garros, Euro 2016, Tour de France.

    Mais durant 4 mois, juste avant l’été, des mouvements sociaux liés à la « Loi Travail El Khomri » ont eu des formes très différentes : #NuitDebout retransmis sur Periscope, grèves des services publics, grands défilés pacifiques, guérillas urbaines de casseurs. Ces manifestations ont ajouté un sentiment d’insécurité et d’incertitude vu de l’extérieur où les clés de décryptage ne sont pas les mêmes, surtout dans les medias anglo-saxons.

    L’Euro 2016 qui devait être une énorme opération de communication a été ternie par les images très fortes d’affrontements des hooligans et de la tension autour des fanzones.

    Et surtout. En France, le mot “guerre” reste utilisé par les autorités. Ce qu’ont toujours refusé de faire officiellement les autorités belges. En termes de communication, la France a certainement fait une erreur. Il faut beaucoup d’énergie pour casser l’image d’une ville et d’un pays en guerre, surtout chez ceux qui n’y vivent pas : les touristes.

    Conclusion : Tourisme plombé à Bruxelles, la Justice du Web au banc des accusés

    La réputation se construit dans la durée, reflétant une réalité. Ainsi, Paris, ville lumière, est depuis bien plus longtemps que Bruxelles, un pôle touristique, tandis que sa petite sœur, assimilée aux institutions européennes, doit développer encore et toujours ses attraits.

    Les campagnes médiatiques ponctuelles offrent des bulles d’air bien nécessaires en ces temps troublés. Elles peuvent efficacement générer dans le temps une image dynamique aux retombées favorables sur l’image d’une ville.

    Les attentats ont traumatisé Bruxellois et Parisiens, Belges et Français. Après la douleur, il faut trouver des responsables dans la sphère publique à défaut de pouvoir juger les auteurs. C’est là que la Justice du Web va faire le plus de dégâts sur l’image de Bruxelles. Médias, experts et opinion publique s’auto-alimentent pour diffuser vite et partout des messages, des images, des sentences. Vrais, faux, instrumentalisés ou amplifiés, en tout cas gravés dans les mémoires… numériques.

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